Qu’à jamais j’oublie de Valentin Musso


La lecture du roman «Qu’à jamais j’oublie» (2021) de Valentin Musso est troublante, puisqu'il s'agit d'un thriller inspiré de faits réels. Dès le début du roman, on assiste au meurtre qui fera l'objet de l'enquête. L'action se déroule en 2008, Nina Kircher, veuve d'un photographe bien connu, fait un arrêt dans un hôtel d'Avignon avant de se rendre chez sa belle-sœur à Antibes. Assise sur le bord de la piscine, elle aperçoit un homme qu'elle suit jusqu'à son bungalow pour, dans les minutes qui suivent, le poignarder avec un couteau de cuisine. Nina est rapidement accusée de tentative de meurtre. Son fils, Théo Kircher, en est averti alors qu'il sort d'un vernissage d'œuvres posthumes de son père. J'aime bien ce type de procédé littéraire où l'auteur nous dévoile le crime au début pour ensuite nous accompagner pour en trouver les tenants et aboutissants.

Théo, décontenancé et troublé, se demande ce qui aurait bien pu pousser sa mère à agresser ce médecin suisse du nom de Gregory Dallenbach. En vacances avec son épouse, rien ne semble lier cet homme à sa mère. Il se rend chez sa tante à Antibes à la recherche du passé de sa mère qu'il ne connaît pas. Une vieille photo un peu floue lui permettra d'apprendre que sa mère a été internée en 1967 à Sainte-Marie, un pensionnat suisse pour jeune fille. À partir de là, on se promènera entre le récit de Nina des événements se déroulant à Sainte-Marie et la quête de Théo quarante ans plus tard.

Après avoir contacté un des avocats criminalistes les plus en vue de la France pour défendre sa mère, Théo décide de se rendre en Suisse pour trouver cette institution et en apprendre plus. Il est d'ailleurs informé qu'un universitaire de Lausanne dirige une commission spéciale au sujet de ces internements auxquels le gouvernement suisse a mis fin en 1981. Il fera la connaissance de Marianne Dussaut, une historienne qui connaît bien l'établissement qu'il recherche, aujourd'hui transformé en hôtel de luxe. Il tombe amoureux de Marianne tout en apprenant que son père a déjà dirigé le pensionnat Sainte-Marie. Les recherches de Théo et Marianne leur font découvrir que la mère de Théo ne s'appelle pas Nina Jansen, mais plutôt Denise Piaget. Ils retracent la fille de Nina qui leur en apprend un peu plus, grâce au journal de Nina.

Théo revient en France et se rend en prison confronter sa mère aux informations qu'il détient. Cette fois, sa mère sort de son mutisme qu'elle a maintenu depuis l'attentat. Elle lui raconte tout, son lien avec Nina, la promesse qu'elle lui avait faite, son évasion du pensionnat et... les sévices qu'elles ont subis de la part du médecin de l'institution. Sa mère «Denise» lui remet une clé qui le mènera aux preuves de ce qu'elle lui a raconté. Dans le coffre de la banque, il y trouve des dossiers de l'institution et des photos Polaroid qui exposent le viol des jeunes filles par le médecin. Une fois ces informations remises à l'avocat, les médias s'en emparent et, rapidement, la mère de Théo est innocentée pour cause de dissociation cognitive. S'ajoutera au drame, le fait que le père de Marianne participait également aux agressions sur les filles internées au pensionnat. Puis, Théo réalisera plus tard qu'il est le fruit du viol de sa mère à cette époque sombre de sa vie.

Ainsi, ce récit nous plonge dans des secrets de famille, qui se dévoilent avec du suspense et des rebondissements inattendus. Tout cela est fondé sur une part de faits historiques réels, ces internements administratifs qui se sont déroulés en Suisse de 1960 à 1980, où plus de 60 000 personnes marginales, hommes et femmes, se sont retrouvées dans des établissements de type «pénitentiaires». Fouiller dans les secrets de famille pousse vers la réflexion sur la mémoire, les blessures du passé, l'impact des traumatismes sur la personne visée, mais aussi sur l'ensemble de son entourage. Théo a toujours eu des relations difficiles avec sa mère, elle lui a toujours semblé froide, distante et inaccessible. Il en comprend maintenant les fondements. De plus, Théo voit son identité complètement bouleversée, il ne sait plus qui est vraiment son père. Quoiqu'il convienne que ses souvenirs et sa vie se sont construits avec Joseph Kircher, le photographe, un métier qu'il a lui-même repris.

Ce roman nous décrit avec intensité le drame psychologique qui secoue le cadre familial des Kircher, mais il soulève également les blessures collectives qu'une société peut porter. Ces internements injustifiés ont certainement laissé des traces auprès des citoyens suisses et encore plus les sévices qui y ont été commis, dont la violence faite aux femmes.

Valentin Musso nous offre ainsi une intrigue psychologique captivante, mais la finale autour du frère de Théo m'a laissé perplexe. Pour ma part, j'ai trouvé que l'auteur «étirait la sauce» si vous permettez. J'aurais préféré qu'il explore davantage la résilience des personnages, leur capacité à reconstruire leur vie. Tout comme, il aurait été possible de donner plus de place à l'avocat et au procès de Denise. Malgré ces légers désagréments, ce roman est une œuvre à mettre absolument sur votre liste de livres à lire.


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