La vie heureuse de David Foenkinos


«La vie heureuse» (2024) de David Foenkinos est un roman bienveillant, mais qui peut secouer ses lecteurs. Éric Kherson est un directeur compétent ayant gravi tous les échelons chez Décathlon et il est «accessoirement» divorcé et père d’un adolescent qu’il ne voit pas souvent. Par l'entremise d'une page Facebook d'anciens lycéens, Amélie Mortiers, qui était dans la même classe qu'Éric, l'invite à se joindre au cabinet du Secrétaire d’État au ministère du Commerce extérieur. Elle le persuade qu'il est la personne idéale pour l’aider à convaincre les entreprises étrangères de venir faire des affaires en France. Éric est d'avis qu'un changement dans sa vie l'aidera peut-être à mieux composer avec le drame familial qui le ronge, mais il n'en est rien. Ce nouveau poste lui permet plutôt de poursuivre sa fuite vers l'avant. Du côté d'Amélie, bien que l'état d'esprit soit différent, ce n'est pas mieux. Elle a l'impression de mener une vie trop lisse dans laquelle son travail occupe tellement de place qu'elle évolue en parallèle à sa vie amoureuse et familiale.

Les voyages à l'étranger s'enchaînent et Éric s'avère être un collaborateur clé pour Amélie, jusqu'à ce séjour en Corée du Sud pour rencontrer les dirigeants de Samsung. Lors de la première rencontre, Éric s'évanouit avant de présenter son dossier. Les discussions sont reportées au lendemain, mais Éric ne se présente pas... Amélie est déstabilisée, elle ne maîtrise pas le dossier. Le matin même Éric a fait connaissance avec une pratique répandue en Corée qui consiste à organiser de fausses cérémonies funéraires. Le client rédige une notice nécrologique et s’allonge dans un cercueil fermé le temps qu'il souhaite. En envisageant sa propre mort, «le client» peut voir sa vie d'un autre angle et la rendre meilleure. Pour Éric, le choc a été brutal, sa réflexion mortuaire lui a fait comprendre qu'il n'était pas sur le bon chemin et qu'il devait reprendre sa vie en main. Décathlon, le commerce extérieur, sa priorité n'était pas là, il voulait reprendre contact avec son fils...

Amélie ne veut plus revoir Éric qui a démissionné pour y faciliter les choses. La pandémie s'installe avec les confinements, le travail de sollicitation pour le commerce extérieur tombe pratiquement à zéro. Amélie tourne en rond, elle est confrontée à sa vie familiale au quotidien, elle adore ses enfants, mais elle n'est pas en mesure de gérer la maisonnée aussi bien que son mari Laurent. Un remaniement ministériel la place en mode panique, elle demeure dans le vide au sujet de son avenir professionnel pendant les deux longs mois d'été.

Finalement, on lui offre la supervision du mécénat pour les musées nationaux, d'abord déçu, elle prend goût à ce travail plus mondain. Amélie et Laurent ont réalisé et convenu que leur vie à deux était terminée. Elle se laisse tenter par un nouvel amour, mais elle tombe sur un donateur qui mène une double vie. Elle déprime royalement devant cet échec, c'est alors que lui vient l'idée de visiter Lycoris, l'entreprise qu'Éric a mise sur pied en adaptant le concept coréen d'expérience de la mort. Toutefois, comme lecteur, on se rend bien compte que pour Amélie, se retrouver devant Éric, représentante probablement un plus grand choc que l'expérience des funérailles.

Toute cette histoire nous ramène d'abord à la question classique: «il est où le bonheur?». C’est quoi une vie heureuse dans le monde d'aujourd'hui? Est-ce de répondre adéquatement aux dictats de la société à laquelle on appartient, du genre : avoir une job payante, être en couple, faire des enfants, être mince, faire du sport, manger équilibré, méditer, etc. En fin de compte, il faudrait être instagrammable! Certains diraient, juste de ne pas faire d'anxiété serait un bon début pour être heureux.

Foenkinos est agréable à lire, l'écriture et le vocabulaire sont simples. Peut-être que l'histoire est trop simple, on apprend peu de choses sur les différents personnages, mais son objectif se trouve probablement dans ce qui n'est pas écrit. À savoir, cette réflexion sur la (ou les vies) que l'on mène. Êtes-vous coincé dans un quotidien qui vous étouffe du type métro, boulot dodo? D'autre part, au travers de la culpabilité maladive d'Éric, il soulève également le poids des conflits, des non-dits, de toutes ces questions du passé qui n'ont pas été réglés. Là aussi il faut trouver le moyen de les gérer ou de vivre avec en paix, pour passer à autre chose.

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