Là où je me terre de Caroline Dawson


«Là où je me terre» (2020) de Caroline Dawson est présenté comme un roman d'autofiction, pour ma part je dirais plus qu'il s'agit d'un récit en plusieurs petits chapitres sur 200 pages. Chapitres dont les titres sont des références typiquement québécoises comme «La Liberté n'est pas une marque de yogourt» ou «Mme Brossard de Brossard», un signe de l'intégration de Caroline Dawson et surtout de son chapeau de sociologue. Elle sait décrire la société dans laquelle elle vit.

Elle nous raconte son parcours de réfugiée chilienne de son enfance jusqu'à sa vie adulte. Dès leur arrivée, l'hiver québécois et montréalais occupe la place qui lui revient, pour de nouveaux arrivants du Sud l'hiver est une épreuve, ses parents vont tenter de demeurer reclus à l'intérieur autant que possible. L'enfant puis l'adolescente est bien consciente de l'abnégation dont font preuve ses deux parents en travaillant tout le temps dans des emplois de misère, comme faire des ménages. Elle comprend la place que sa famille et elle-même occupent, une conscience de classe qui entraîne des comportements différents.

Caroline nous raconte également ce qu'elle-même doit faire pour s'harmoniser avec son nouvel environnement. Apprendre la langue, les références télévisuelles et surtout atténuer les différences; ses vêtements, ses lunchs et même sa façon de bouger, mais elle ne peut pas changer la couleur de sa peau et ses grands cheveux noirs, quoi que sa mère se soit teint en blonde... Elle comprend aussi qu'elle doit réussir pour répondre aux sacrifices de ses parents. Tout cela ne se fait pas sans douleur, pensez-y, renoncer à qui vous êtes pour pouvoir prendre votre place, il semble y avoir là une contradiction.

Caroline va compléter un parcours scolaire impeccable, devenir professeur de sociologie au Cégep, fonder une famille avec un conjoint médecin, son statut social est enviable. Elle sera bien malgré elle «un ostie de modèle d'intégration», elle connaît le prix à payer, l'humiliation, la santé, des rêves et des vies gâchées pour en sauver d'autres...

Elle partage son quotidien de réfugiée de façon assez directe, mais avec humour. Elle utilise un langage accessible pour être comprise par le plus grand nombre, on sent la volonté de faire passer le message. L'immigration nous est rarement présentée de cette façon, de ce point de vue, toute la gamme des émotions s'y trouve. J'ai notamment été touché par le passage où elle quitte un party quand elle se rend compte que c'est sa mère qui viendra faire le ménage le lendemain dans cette maison de riche...

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