Dans «Klara et le soleil» (2021) de Kazuo Ishiguro, Klara est un robot de type B2 de 4e génération qui fait face à l’arrivée des nouveaux B3 dans son rôle de «AA», un acronyme utilisé pour «Amis Artificiels». On peut dire qu’il s’agit d’un roman d’anticipation, mais dans un espace temporel réduit puisque nous serons bientôt confrontés à ce genre de robot. L’histoire de la famille de Josie et de Klara, son AA, se déroule dans une banlieue anonyme. En fait, le lieu et l’année ne seront jamais mentionnés.
Dans ce monde, la technologie occupe un peu plus de place qu’aujourd’hui. Les enfants ne semblent plus aller à l'école, ils sont formés en ligne. Puis, si les parents en ont les moyens, ils grandissent avec leurs AA. Le robot AA doit notamment faire en sorte que l’enfant ne se sente jamais seul. Ainsi, ils vont participer à leur éducation, ils vont les distraire et ils vont apprendre à les connaître pour bien veiller sur eux.
C’est Klara la narratrice, donc dès le début du roman elle nous parle de son point de vue, celle d’un objet électronique dans une vitrine de magasin qui attend d’être vendu pour accompagner un jeune adolescent. Par contre, Klara est plus curieuse et observatrice que la moyenne des AA de sa génération. Elle observe beaucoup les passants et tente de comprendre leurs réactions que l’on nomme des «émotions» comme la joie, la tristesse, la peur, etc.
Josie avait déjà remarqué Klara dans le magasin, mais elle a mis du temps à convaincre sa mère qui l’a finalement achetée. Chrissie, la mère de cette jeune adolescente malade dont la sœur est décédée, avait un plan secret en tête qui nous sera dévoilé que beaucoup plus tard.
Klara découvre son nouvel environnement et les personnages qui le composent. La mère, la femme de ménage, le jeune voisin et sa mère, le père de Josie et le mystérieux portraitiste M. Capaldi. Elle va également découvrir ce qu’est «le dehors», l’eau, l’air, le vent, le sol et ses textures. Klara va apprendre beaucoup sur les relations entre les humains, notamment lors de ces «rencontres d’interactions» auxquelles les jeunes doivent être exposés pour se familiariser avec la socialisation.
Josie est de plus en plus malade et Klara en vient à établir un pacte avec le soleil. Elle est convaincue qu’une grande dose de «nutriment» du soleil viendra guérir Josie. Comme lecteur, je voulais croire à cet espoir impossible. En pleine fable de fiction technologique, Ishiguro insère cet élément métaphysique qui pourrait faire décrocher certains lecteurs. Puis Klara finit par comprendre le plan secret de la mère de Josie, la vraie raison pour laquelle elle avait été achetée. Elle doit rapidement mettre en œuvre les éléments de son pacte avec le soleil et le père de Josie, tout comme Rick, va l’aider à le réaliser.
C’est un roman qui démarre lentement, mais qui s’accélère plus l’histoire avance. Ainsi, par une journée ensoleillée, plusieurs des membres de l’entourage de Josie assisteront à cette étrange exposition au soleil qui la guérira de sa mystérieuse maladie. À partir de ce moment, le plan secret de la mère de Josie devient caduc. Elle n’aura pas à remplacer Josie par une Klara recouverte d’une enveloppe reproduisant parfaitement sa fille. Josie se transforme en jeune femme, son amour/amitié pour Rick aussi. Elle se prépare à quitter la maison pour l’université. Klara comprend qu’elle ne sera plus utile et M. Capaldi souhaite la récupérer pour démontrer qu’elle n’est qu’un ensemble de pièces. La mère de Josie si oppose et Klara terminera sa vie dans une cour de «Serpuariens» où sa gérante de magasin viendra lui faire jasette.
Ishiguro a fait l’économie de grands discours philosophiques, mais il sème des pistes de réflexions ici et là qu’on ne voit pas toujours au premier coup d’œil. Bien entendu, à la base, il est ici question d’intelligence artificielle et des robots humanoïdes qui sont de plus en plus performants. Ce qui soulève cette question d’actualité : Peut-on remplacer l'humain par la machine? Qu’est-ce qui nous rend uniques? Voilà pourquoi dans ce roman notre humanité est mise de l’avant et pas toujours dans ces facettes les plus nobles.
Le personnage du père de Josie soulève toute la question de notre rapport au travail, lui qui comme ingénieur a été remplacé par l’intelligence artificielle. Puis, comment peut-il être heureux après avoir perdu son emploi? Le point de vue de Klara permet de constater la complexité des relations humaines, les multiples masques de l’humain selon les contextes. Toutes les relations mises de l’avant dans le roman semblent difficiles. La relation entre Josie et Rick est importante et expose l’aspect «particulier» des amours/amitiés à cet âge. La question de l’éducation des enfants devant l’envahissement des technologies m’apparaît également comme une thématique que voulait probablement soulever l’auteur. Ishiguro croit en l’intelligence de ses lecteurs et ne proposant pas de réponses toutes faites.
J’ai bien aimé ce conte futuriste, un peu léger qui finit bien et qui nous laisse avec le sentiment de vouloir exploiter davantage notre humanité «positive» pour faire la preuve que l’on vaut plus qu’un robot.
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