Le Roi des aulnes de Michel Tournier

 J'ai lu «Le Roi des aulnes» (1970) de Michel Tournier, un écrivain réputé en France et prix Goncourt unanimes la même année. Les académiciens ont aimé parce que c'est de la «Littérature» écrite pour eux, le tout accompagnée d'une grande érudition. Moi j'ai plutôt trouvé cela pénible, j'ai bien constaté la recherche d'un vocabulaire uniquement accessible aux intellectuelles de sa génération et des références connues dans le même cercle. D'ailleurs, l'oeuvre de Tournier semble beaucoup étudiée dans le monde littéraire, parce que complexe et dense.

Pour vous dire, juste pour le titre du roman, il l'emprunte à un poème de Goethe qui a aussi été mis en musique par Schubert. Bien sûr, le titre du roman évoque bien son thème puisqu'il s'agit, en théorie, de l'histoire d'un ogre prénommé Abel Tiffauges. Ici, Abel fait référence à la genèse biblique avec l'histoire de Caïn et Abel, la victime de premier meurtre de l'histoire chrétienne... Averti des références innombrables, on veut savoir qu’elle est le sens de Tiffauges alors? Tiffauges c'est le nom du château de Barbe bleue, présenté comme un monstre... Nom qu'il donnera à son cheval un peu plus loin dans le roman.

Ce récit nous est raconté par le personnage principal Abel Tiffauges qui est le narrateur (à la troisième personne), mais il est aussi le rédacteur (à la première personne) de son journal qu'il intitule «Écrits sinistres» parce qu'il le rédige de sa main gauche...

Les aventures d'Abel se déroulent en France et en Allemagne, de 1920 à 1945 sur un fond de 2e guerre mondiale. Comme nous sommes dans une histoire utilisant l'analogie mythique de l'ogre, il y aura plusieurs pages de consacrées à sa transformation en géant plutôt laid. L'auteur reviendra constamment tout au long du roman sur les descriptions de sa nature ogresse tant physique que psychologique. À cet égard, il faut penser à la légende du monstre qui capture et mange vos enfants. Ainsi, les enfants occupent une place primordiale dans le récit des aventures de notre ogre.

D'autre part, Tiffauges fait confiance à son destin. Il sait qu'il (le destin) fera le nécessaire pour le maintenir sur une route, malgré quelques bifurcations, qui saura satisfaire sa nature ogresse. L'incendie de son collège et l'appel au service militaire en sont des exemples frappants puisqu'ils lui évitent tous deux des sanctions. Un aspect magique ou mystique, lié à la mythologie de l'ogre.

Bien sûr, il est question de l'Allemagne nazie puisqu'une bonne part du roman se déroule pendant la 2e Grande Guerre, mais je n'ai pas saisi à la première lecture le lien apparemment évident entre l'ogre Abel et la nature ogresse du régime nazi. Il faut porter attention à la description et aux gestes des personnages militaires allemands et faire le lien avec la nature ogresse d'Abel.

Par exemple, pour l'anniversaire d'Hitler, en avril, des milliers d'enfants ayant eu dix ans au cours de l’année lui étaient présentés pour se joindre au «Jeunesse hitlérienne». Il faut voir ici une offrande d'enfants à l'ogre suprême...

Au chapitre IV, intitulé « L’ogre de Rominten », il est question d'Hermann Göring et l'analogie est peut-être un peu plus directe. Abel nous décrit la scène où Göring examine les crottes des animaux fréquentant la réserve. Il est alors en mesure de nous dire de quel animal il s'agit, si c'est un mâle ou une femelle et si son passage dans ce sentier est récent. Alors, cet amour de la chose fécale est propre à l'ogre. Tiffauges nous fait également remarquer que le fait de tuer onze cerfs et quatre biches qui se sont retrouvés coincés fait jubiler de joie l'ogre Göring.

Il faut voir la même nature (esprit) ogresse dans les réflexions et expériences du scientifique en chef qui nous sont également mis en lumière par Tiffauges. Finalement, l'horreur des camps de concentration est révélée par le récit qu'en fait Ephraïm, l’enfant juif qui se promène sur les épaules Tiffauges...

Un roman bizarre, que je ne vous recommande pas à moins que vous ne vouliez en faire l'objet d'une étude approfondie... la connaissance de l'allemand peut-être un atout.

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