«Le Cantique des Plaines» (1993) de Nancy Huston est un roman qui raconte l'histoire de la famille Sterling de 1897 à 1970 environ. Le récit commence avec l'arrivé d'Irlande de John qui veut tenter sa chance comme chercheur d’or dans le Klondike. Vous comprenez que l'histoire se passe dans l'ouest canadien et plus particulièrement en Alberta, autour de Calgary, la région d'origine de l'auteur. J'aime bien la forme utilisée pour nous raconter cette épopée. C'est Paula la narratrice qui nous parle de son grand-père Paddon, fils de John et Mildred. En fait, elle s'adresse directement à son grand-père. Par contre, Huston ne suit pas la chronologie et chaque chapitre vous transporte d'une période à une autre et d'un personnage à l'autre, c'est déroutant, mais c'est aussi un peu comme si un conteur nous relatait l'histoire en partant de gauche à droite du genre «ça me fait penser...».
Paula entreprend la rédaction de cette saga après le décès de son grand-père en voulant remplir une promesse qu'elle lui a faite 20 ans plus tôt... Écrire le livre que lui n'a pas réussi à écrire, il voulait écrire un essai philosophique sur le temps. Nous nous retrouvons donc à l'époque de la colonisation de l'Ouest canadien. C'est donc un cadre propice pour permettre à l'auteur d'aborder oui la misère des colons; le travail dur, le climat à la fois trop sec et trop humide, les hivers impossibles, etc. Ainsi, la ruée vers l'or pour John ça ne fonctionne pas, il devient rancher, mais là aussi après quelques années heureuses tout s'écroule faute de récolte. John est violent envers Paddon et son amour de la lecture et de la musique ne l'aide pas dans ce monde viril. C'est aussi une occasion pour nous raconter le sort des Premières-Nations (les Pieds-Noirs), l'évangélisation agressive (Père Albert Lacombe), l'exploitation des promoteurs - le CP et La Baie d'Hudson notamment. Paddon réussit ses études et commence des études de philosophie à l’université. Il rencontre Karen, une suédoise, c'est le coup de foudre. Elle attend un enfant, ils se marient, son père meurt. Il doit gagner sa vie comme professeur d'histoire au secondaire à Calgary. Il n'aime pas la vie qu'il mène, son rêve d'écriture s'évanouit, il devient violent comme son père. La pauvreté s'installe dans la famille, la Deuxième Guerre mondiale ne fait rien pour aider. Puis, par hasard, il rencontre Miranda, une métisse, nouveau coup de foudre! Il reprend goût à la vie, Karen voit le changement... C'est Miranda qui lui ouvre les yeux au sujet des mensonges des blancs concernant le sort des Pieds-Noirs. On prend leur terre pour le train, ont interdit leurs croyances, coutumes, leurs langues et ont construit des pensionnats... Paddon, décide d'en faire part à ses élèves, il faillit perdre son emploi. Il poursuit sa double vie dans l'harmonie, mais Miranda souffre d'une maladie neurologique qui la fait dépérir. À sa mort, Paddon sombre, il broie du noir... Mais, voilà ses enfants ont aussi des enfants et il s’attache à ses petits-enfants, dont Paula la narratrice.Paula aura rempli la promesse qu'elle a faite à 9 ans en rédigeant un livre non pas sur le temps en lui-même, mais sur le temps qui passe. Il se déroule différemment pour chacun des personnages, mais aussi dans l'espace qu'on pense à la 2e guerre et à la situation en Haïti décrite par la soeur de Paddon, Elisabeth. J'ai aimé l'écriture que Huston a utilisée dans ce roman, très imagé, un niveau langue proche du mien, ça facilite la lecture. Juste assez d'indignation pour nous faire réfléchir. J'ai craqué lorsque Ruthie, la fille de Paddon et la mère de Paula, a voulu écrire au premier ministre pour lui demander de l'aide pour lui acheter des lunettes parce qu'elle ne voit pas ce que le professeur écrit au tableau... Paddon ne lui a pas donné les sous pour payer le timbre. Un bon roman, un de plus!
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