Le Clan du Sorgho rouge de Mo Yan

 

Je vous présente mon compte rendu du roman «Le Clan du Sorgho rouge» (1986/2014) de Mo Yan, un auteur chinois qui s’est mérité le prix Nobel de littérature 2012 pour l’ensemble de son œuvre. Ce roman est son premier à avoir connu du succès et il a aussi fait l’objet d’un film. Le récit se déroule autour de Gaomi, la ville natale de l’auteur, dans la province de Shandong au nord-est de la Chine près de la mer Jaune. Les personnages se retrouvent dans un contexte historique absolument affreux; la chine est en pleine guerre civile, les troupes communistes combattent les nationalistes du Kuomintang (combats débutés en 1927), l’empire japonais a envahi cette péninsule de la Chine en 1937, c’est la Deuxième Guerre dite sino-japonaise et les paysans sont aux prises avec des bandes de bandits armées. C’est dans ce fouillis où les membres de ces quatre «entités» s’entretuent tout en pouvant former des alliances inconcevables que vont tenter de survivre nos personnages principaux : le Grand-père (Yu Zhan’ao), la Grand-mère (Dai Fenglian) et le père (Douguan) de Mo Yan. Ainsi, ce roman est en grande partie historique et autobiographique puisqu’il retrace les évènements liés à la saga familiale de l’auteur décrite sur deux ou trois générations (approximativement de 1920 à 1940).

Les événements dont Mo Yan nous fait le récit sont très rarement heureux. Il y est surtout question de violence dans tous les sens que ce mot peut prendre. Il y a des batailles, des incendies, des combats, de la torture, des sévices, des viols, des massacres, des corps en décomposition et cette violence est décrite de façon crue, sans détour. Il y a donc beaucoup de détails sanguinolents dans ce roman. C’est bien évidemment ce qu’exprime le rouge du sorgho dans le titre et dans la narration.

Par exemple, il y a l’embuscade contre les japonais, la Grand-mère sera la première a se faire tuer, Mo Yan nous décrit les trous dans son corps, le sang rouge sur sa chemise blanche… Puis, il poursuivra en s’attardant à nous décrire les blessures de chacun avec moult détails comme pour ce paysan dont Yu tente de faire tenir les intestins à l’intérieur de son corps en appliquant de grandes feuilles vertes... Il y a le mariage forcé de la Grand-mère à un lépreux riche. Nouveau marié qui sera aussitôt assassiné avec son père par le nouvel amant de la mariée... Il y a pire, le boucher que l’on forcera a écorché un villageois exactement comme il vient de le faire en enlevant la peau d’une chèvre...

Donc, c’est cru, mais tout cela ne fait qu’exprimer et décrire une réalité que nous connaissons mal, les horreurs de la guerre. À cela s’ajoute la dureté de la vie rurale dans un contexte de famine. Les paysans se battent pour survivre!!!

Le moins que l’on puisse dire , c’est que la lecture de ce roman demande de la concentration (et/ou de l’abandon…) car le narrateur ne se soucie pas vraiment de la chronologie. Il passe d’une époque à l’autre sans nous avertir. Il revient sur des événements en les abordant différemment, ce qui en soi peut-être intéressants.

En fait, on a l’impression qu’il s’agit de nouvelles qui ont été rassemblées dans le même bouquin. Après vérification, c’est effectivement le cas. Il s’agit de cinq histoires indépendantes bien qu’elles puissent reprendre des éléments de l’une et l’autre. Elles ont d’abord été publiées séparément en 1985 et 1986 dans un magazine chinois puis la première histoire a été traduite en français, en 1990, et les quatre autres en 2014.

D'autre part, le fait de nommer les personnages principaux, «Grand-mère», «Grand-père» et «mon père» peut semer la confusion. Puisque son père peut parfois parler de sa mère et de son père et il est aussi question des arrière-grands-parents. À un moment donné, on ne sait plus de qui il parle.

Par contre, on se rend vite compte que le style d’écriture de Mo Yan est particulier puisque même dans la description de cette cruauté il introduit des analogies généralement liées à la nature qui adoucissent l’horreur qui nous est exposée. Ça va loin puisqu’à quelques reprises, on constate que le sorgho prend vie. Il pose des gestes et il a des sentiments. Il en va de même lorsqu’il décrit l’ambiance ou les émotions des personnages. La nature, du plus petit insecte à la plus grande montagne, occupe une place importante dans le roman. Quoique la multiplication des descriptions et leur longueur peut devenir encombrantes.

Bien qu’il s’agissait d’une lecture assez difficile, à déconseiller aux âmes sensibles, j’ai tout de même apprécié. Son rapport à la nature m’a plu. Pour prendre contact avec l’œuvre de Mo Yan, je vous suggère de lire un autre titre comme «Grenouille».

Commentaires